ET GERMAINE TILLION ...
Alors que la Martinique, la France, la Poésie pleurent aujourd’hui dans une remarquable unanimité le grand homme qu’était Aimé Césaire, bien peu de voix médiatiques ont signalé la disparition de ce petit bout de femme qu’était Germaine Tillion, ethnologue, résistante de la première heure et simplement humaniste, morte samedi à l’âge de 100 ans…
Quelques articles parus dans la presse écrite ont toutefois évoqué le parcours de cette pionnière de l’ethnologie partie seule en mission dans les Aurès, au début des années 30 (elle en rapporta des images, retrouvées récemment, et publiées dans L’Algérie aurésienne) ; puis son engagement immédiat dans la Résistance, au sein du réseau du musée de l’Homme ; arrêtée, elle est internée à Ravensbrück où elle trouve la force de poursuivre son travail en consignant témoignages et toutes « informations utiles au déchiffrement du projet nazi ».
Voyant un reportage où elle évoquait son expérience des camps, j’avais été frappée par le regard plein de bonté et de clairvoyance qu’elle portait sur des photos de codétenues, apprêtées et souriantes devant l’objectif, alors qu’elles dévoilaient les cicatrices affreuses de leurs sévices. Et, puisque l’humour devait aussi l’emporter sur l’horreur, elle écrivit pour ses camarades une opérette sombre et sarcastique, Le Verfügbar aux enfers, preuve éclatante que « la connaissance est un engagement et une évasion car, lorsque vous n’avez plus rien, seule la raison humaine peut vous empêcher de sombrer ».
Après la guerre, Germaine Tillion poursuit son engagement en faveur des droits de l’homme, n’hésitant pas à servir de médiatrice lors du conflit algérien et à dénoncer publiquement la torture. « L’asservissement ne dégrade pas seulement l’être qui en est victime, mais celui qui en bénéficie. » (Le Harem et les cousins).
Gageons que les hommages inciteront désormais le grand public à mieux connaître l’œuvre et l’action de cette femme-phare qui possédait, pour reprendre les mots d’un de ses anciens élèves, « l'intelligence, la compassion et en même temps la force, une incroyable volonté de résister, de faire pièce à l'injustice sans se montrer indigne à son tour... Merci à elle d'avoir existé. » (Ph. Souaille, La Tribune de Genève)
Docteur Schulz pour Bordeaux avance